Ma matinée ressemble à toutes les autres. Je me lève en pestant contre mon réveil sonnant trop tôt, je file sous la douche, je mange si possible, je m'habille, me maquille. Rien d'extraordinaire. Une matinée banale mais qui me ravit. Certes, je n'ai jamais rêvé d'être serveuse, je voulais faire des études pour devenir médecin mais, quand on fuit, difficile d'entrer à l'université.

Je suis arrivée au boulot avec un léger retard. Saleté de roue crevée. Oui je sais, je vie pas très loin de mon boulot et je pourrais y aller à pied mais, ayant décidé d'aller faire mes courses après le boulot, je n'avais pas envie de rentrer chez moi, prendre ma voiture pour repartir. C'est donc couverte de cambouie que j'ai été m'excuser de mon retard avant d'aller me laver.

Les clients défilent, les uns après les autres. Il y a les habitués, les dragueurs, les paumés qui sont entrés juste pour demander leur chemin. Tout un tas de personnes aussi différent les uns des autres et c'est ça qui est intéressant.
Ce que je déteste le plus, se sont les heures creuses. Celles où on s'ennuit à mourir tant on attend le client, lui sautant presque dessus lorsqu'il arrive. Patientant derrière le bar pendant que mon collègue prenait une pause, une jeune femme arrive. Je lui laisse le temps de s'installer avant d'aller la voir. « Bonjour, qu'est-ce que vous souhaitez ? » Je lui souris attendant impatiemment qu'elle me donne sa commande.

En arrivant prendre la commande de la cliente, je m'étais attendu à tout sauf à ce qu'elle éclate en sanglot. Sans un mot, je suis retournée derrière le bar pour lui servir son chocolat. La boisson prête, je retourne vers la jeune femme et pose son chocolat devant elle ainsi qu'une pile de serviette avant de prendre place à sa table. Je sais que cela ne se fait pas mais si les rôles étaient inversés, je pense que j'apprécierais ce geste. « Vous voulez en parler ? » Je lui souris timidement avant de reprendre la parole. « Vous n'êtes pas obligée mais quelque chose me dit que cela vous ferait du bien de parler et puis peut-être que je pourrais vous aider. »
Peut-être que je me ferais taper sur les doigts par Paul quand il apprendra que je me suis permise de m'asseoir à une table avec une cliente pendant mon service mais je m'en fiche comme de l'an quarante. Moi aussi j'ai craqué dans des lieux publiques lorsque j'ai commencé à fuir et j'aurais bien aimé que quelqu'un s'intéresse à mes peines. Quand j'ai rencontré Bella au Texas, elle a été l'une des rares à s'inquiéter de savoir comment j'allais. Aujourd'hui, avec cette jeune femme, je ne fais que faire ce que j'aurais apprécicier que l'on fasse pour moi. Je prends du temps pour m'enquérir de son état, pour l'écouter si besoin et pourquoi pas, l'aider si c'est dans mes possibilités.