Debout devant ma glace, je tente de me maquiller avec peine, avec ma main blessée. Eh oui, je suis sortie de l'hôpital quelques jours avant. Comme y ai-je atterri ? Et bien parce que je ne suis pas douée pardi ! Je faisais quelques exercices de yoga dans mon salon, j'ai voulu pousser la petite table basse du salon en verre, mais trop d'entrain tue l'entrain : j'ai appuyé trop fort sur la vitre et la main est carrément passé à travers, me donnant un passeport direct pour l'hôpital. La dernière fois que j'ai eu à mettre les pieds dans un hôpital pour moi, c'était à l'adolescence, après une bagarre toute bête entre Julian, Nathanël et moi. J'avais pris un coude perdu en plein dans les côtes, résultat : une côte fêlée. Je n'ai jamais su qui était le propriétaire de ce coude et j'ai longtemps pu blâmer les deux hommes de ma vie, me faisant chouchouter à souhait. Là, personne n'était à blâmer à part moi, moi et mon stupide trop plein d'énergie. Après trois jours à l'hôpital (oui, trois jours pour une grosse entaille à la main....pourquoi ? Bon ok je vous le dis, mais vous vous moquez pas hein . Je chouinais tellement qu'ils ont dû me mettre sous anesthésie générale pour me recoudre...et puis il leur fallait bien s'assurer que les tendons de mon poignet soient en bon état!), je rentrais enfin à la maison. Mais avant de quitter l'hôpital, le charmant médecin qui s'était occupé de moi pendant mon séjour, le docteur Anderson (ouai, pas très original pour un médecin, mais c'est son vrai prénom, juré) me propose qu'on aille dîner ensemble un de ces soirs, ce que j'accepte sans aucun souci. Il était quand même celui qui s'était assuré que je garde une main gauche valide, je ne pouvais pas refuser une telle invitation. Et puis ce n'était pas comme s'il était un vieux bonhomme de cinquante ans, à l'oeil vitreux et aux mains baladeuses, non non.. C'était un homme certainement autour de la trentaine, sympathique, drôle et plutôt charmant, alors je ne voyais aucune objection à accepter cette invitation. Je ne connaissais pas grand monde ici et toutes les connaissances étaient bonnes à prendre.
Après de nombreuses minutes de galère (je suis ambidextre et j'ai donc besoin de mes deux mains pour la plupart de mes tâches) je parviens enfin à obtenir un résultat satisfaisant. Dans ma petite robe blanche "very new york style" (oui j'habite à Savannah maintenant, mais je n'en reste pas moins une New yorkaise pure souche), j'arrange une petite mèche de mes cheveux blonds dans mon chignon sur le côté à l'aspect faussement négligé, embrasse mon fiancé et rejoins mon taxi appelé quelques minutes plus tôt. En bonne New-yorkaise, j'avais le permis, mais une sainte horreur de conduire. Et puis je ne connaissais pas bien Savannah et je ne voulais pas m'aventurer seule dans des quartiers compliqués, et risquer de me perdre. Un taxi, c'était bien plus rassurant.
Bonsoir ! Le Belford's Savannah s'il vous plait ! Quinze minutes plus tard (c'est fou comme les chemins se font rapidement ici) me voilà devant un établissement à l'air plutôt chaleureux et un peu inanimé ce soir (en même temps, ce n'est pas tout le monde qui sort dîner un lundi soir). J'y entre d'un pas tranquille et jette un rapide coup d'oeil dans les environs. En voyant un couple non loin de l'entrée, je me dis que je suis peut-être un peu trop habillée, mais qu'importe ! Bonsoir je peux vous aider ? Une voix féminine me tire de ma réflexion, celle de la serveuse Oui bonsoir hum...j'ai rendez-vous avec un ami...Monsieur Anderson ? La serveuse semble tout de suite comprendre de qui je parlais et m'invite à la suivre dans la salle. Je remarque le docteur Anderson (je ne l'avais appelé qu'ainsi pendant mon séjour) installé à une table au fin fond de la salle. J'esquisse un sourire en poursuivant le court chemin qui nous séparait. Le bruit de mes talons attire son attention et il tourne la tête dans ma direction. Mon sourire se fait plus amical, alors que je le rejoins à la table Bonsoir docteur Anderson ! Je lance joyeusement, alors qu'il se lève pour me saluer. Malgré mes talons, il me dépassait facilement d'une tête, voire de deux...une vraie lilliputienne !