Je délirais, probablement, mais ça faisait un tel bien d'être ici, avec elle. De laisser un peu les malheurs et les peines à Savannah et de prendre un week-end pour ne penser qu'au bonheur d'être avec ma petite sœur et de ne me préoccuper que du bien qu'elle m'apporte. Je souris quand elle décida de prendre ma remarque sur la licorne comme un compliment et hochais la tête. C'était un compliment. Certes peu commun, mais s'en était bel et bien un, après tout.
Après avoir payé mes achats pour elle, je lui demandais qui portait quoi et elle soumit qu'elle porterait ses paquets et moi les miens. Je hochais une nouvelle fois la tête et la laissait prendre ses sacs. Une fois fait, je passais un bras autour de ses épaules pour sortir de la boutique en sa compagnie. Alors que nous marchions tranquillement dans les rues, elle s'exclama soudain qu'elle voulait un jour que nous allions en Australie et me demanda si un kangourou pouvait sauter haut. Je haussais les épaules « Heu... alors là ! », dis-je en me mordant la lèvre. « Je n'en ai aucune idée. Je sais que quand tu as des fourmis dans le nez, ça chatouille ! Mais j'avoue que je ne suis pas un expert en kangourous... »
Cela n'avait aucun rapport, nous en étions bien d'accord, mais je n'en savais vraiment rien et je savais qu'on ne pouvait se fier aux kangourous des dessins animés passant à la télévision pour nous donner une référence valable. Or, ils étaient à peu près mes seules références dans le domaine. Autant dire que je n'avais aucune connaissance de ses animaux là.
Elle poursuivit, arguant qu'elle pourrait alors me demander de lui trouver un koala pour lui faire des câlins et je souris, me remémorant une scène mémorable de notre enfance. Je secouais la tête en riant à demi, posant les yeux sur ma petite sœur. « Jay, tu te souviens de quand on avait été au zoo avec les parents quand t'avais genre... dix, onze ans ? », lui demandais-je en m'arrêtant de marcher pour la regarder. Je parlais bien évidemment de cette fois-là, où la petite princesse avait voulu jouer avec le grand lama qu'elle regardait avec des grands yeux pétillants et que cela avait mal fini pour elle, alors que nous arguions depuis dix minutes déjà qu'il fallait quitter le coin des animaux terrestre pour rejoindre l'aquarium. Nous voulions aller voir les hippocampes, les dauphins, les thons et les requins, mais Jay non. Jay voulait jouer avec le lamas. « Tu t'es déjà fait cracher dessus par un lama ? Non ? », lui rappelais-je en souriant. « Tu es sûre de vouloir retenter des expériences avec les animaux sauvages ? »
Je riais de bon cœur cette fois, avant de la reprendre dans mes bras et de reprendre notre route. « Allez, viens », dis-je en marchant. Mon regard se posait sur elle à allure régulière, le petit sac de la bijouterie attirant irrémédiablement mes yeux plusieurs fois, me faisant me mordre la lèvre. J'avais dit qu'on oubliait tout, que je laissais la peine et la douleur derrière, mais il y avait une peine que je n'arrivais pas à mettre de côté, qui me suivait partout, en permanence, à chaque seconde. Le souvenir d'elle et de tout ce que j'avais perdu en la perdant, elle. Je n'étais pas loquace sur le sujet, en temps normal, j'évitais juste le sujet et évitait les épilogues sur le sujet, mais l'absence était toujours là, comme un trou béant dans ma vie, me torturant de façon périodique, chaque fois qu'un élément venait me rappeler qu'elle était là, vivant quelque-part, pas loin de moi, mais bien trop loin pour que je puisse être pleinement heureux. Et elle me manquait, chaque jour comme au premier jour. La plaie ne cicatrisait pas. « Comment va-t-elle ? », demandais-je après un moment à me mordre la lèvre pour m'en empêcher. « Dis-moi la vérité, Jay » Même si ça fait mal, songeais-je en évitant soigneusement le regard de ma petite sœur, cette fois. « Est-ce qu'elle va bien, au moins. Est-ce qu'elle est heureuse ? » C'est tout ce que je souhaitais pour elle. C'était tout ce que j'avais toujours souhaité...
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