La journée venait de démarrer en douceur pour la jeune Hillingbrook. Le calme qui régnait dans l'appartement lui faisait croire que sa colocataire et meilleure amie n'était pas présente. N'étant pas du genre à rater les cours sans raison, aujourd'hui allait être une exception puisque Nicky a choisi délibérément de ne pas mettre son réveil si tôt dans la nuit pour se lever et se rendre sur le campus. Elle avait rapidement discuté avec Jules la veille et elle savait qu'elle avait une séance photo dans un studio en centre-ville. Si elles avaient discuté de tout et de rien, Nicolaà s'était bien gardé de lui dire qu'elle avait revu son frère, qu'Andrea Hillingbrook était de retour dans sa vie et donc qu'elle allait probablement le croiser rapidement. C'était d'ailleurs bien étonnant que les deux filles n'avaient pas entendu parlé de ce coureur de jupons sans coeur. Et sans famille. Il avait toujours été un solitaire, ne prenant pas en compte la présence de sa soeur ou du moindre de ses problèmes. La brunette avait fini par se débrouiller seule et quand il avait décidé de partir et de s'engager dans la Marine, elle avait tenue compagnie à Ann-Juliet, si bien que la bêtise d'Andrea les avait rapprochés au point de devenir les meilleures amies et de s'éloigner de la côte Ouest pour l'oublier. Oublier l'ex-copain. Oublier le frère. Si elle ne lui avait rien dit, c'est aussi parce que Nicolaà tenait à protéger sa meilleure amie. Elles avaient peut-être souffert toutes les deux de son départ et de son absence, mais elle était certaine au fond d'elle, que Jules était celle qui en avait le plus pâti. Nicolaà de son côté regrettait la présence plus qu'approximative de son frère dans sa vie, mais elle avait apprit à vivre sans depuis longtemps. Ses parents, bien qu'elle ait eu une enfance heureuse et complète, n'a jamais eu les fulminations de sentiment qu'on peut voir dans les familles des séries américaines. Andrea, Nicolaà, leurs parents. Ils portaient le même nom, ils se retrouvaient pour les fêtes de famille, mais ils n'étaient pas proches comme peut l'être certaine famille.

Habillée et préparée, Nicky avait envoyé un message à Ann-Ju pour la prévenir qu'elle passerait la voir sur son lieu de travail, toujours changeant. Si ce n'était pas son monde, Nicky appréciait tout de même s'y rendre de temps en temps, regarder sa meilleure amie faire son travail et pourquoi pas rencontrer quelques mannequins de passage en ville pour une séance photo. Si à Los Angeles la voiture était indispensable, l'avantage de vivre à Savannah était que les déplacements à pied se faisait beaucoup plus fréquemment. Son sac à l'épaule et son téléphone sous les yeux, Nicky arriva rapidement dans le parc que son amie lui avait indiqué. Passant la sécurité sans grand soucis, elle erra un instant avant de finalement apercevoir les loges aménagé sous une tente blanche, puis tout le matériel de photo posé non loin d'ici. D'un seul regard, Nicky balaya la scène à la recherche de sa meilleure amie.

Si leur duo marchait si bien, c'est que Nicolaà et Ann-Juliet s'étaient rencontrées et unies d'une façon bien particulière. Andréa était le point central de leur malheur et toutes les deux le blâmaient pour des raisons qui parfois divergeaient. Par contre, la plupart du temps, elles s'entendaient à merveille et ceux depuis plusieurs années maintenant. Partager un appartement ne compliqua pas les choses, leurs choix de carrière non plus. Aujourd'hui, après plusieurs années loin de lui et de toutes les mauvaises ondes qu'il apportait, Nicky et Jules ne s'étaient jamais séparés. Outre leurs malheureuses aventures avec Hillingsbrook, elles s'étaient trouvées de nombreux point commun. Partir au bout des Etats-Unis pour recommencer une vie n'a pas forcément était un choix facile, mais il s'est tout de même imposé bien rapidement aux deux demoiselles. Nicolaà souhaitait non seulement échapper à l'absence de son frère, mais également à sa famille, qu'elle ne trouvait finalement plus si utile que ça et en rusant pour qu'ils acceptent, elle mit au milieu de la table le coup de la carrière sportive. Le mensonge fait partie de sa vie et Nocky le reconnaissait, c'est pourquoi, quand elle a dit à ses parents qu'elle avait besoin d'une ville plus petite pour se concentrer sur sa carrière, elle n'était pas tout à fait honnête.

Très rapidement, Nicky rejoignit son amie sur son lieu de travail, toujours parfait, toujours agréable. Une vraie fourmilière montait en peu de temps avec, au centre, le photographe et les mannequins. Dont Ann-Juliet. Sans la voir tout de suite, elle la chercha des yeux un instant avant de sentir autour de ses épaules un bras se poser. Elle sourit en comprenant que sa meilleure amie venait de la trouver. En la voyant faire une révérence, Nicolaà ne pu s'empêcher de rire et de rejeter ses cheveux en arrière, à la manière de ses filles dont elle aimait tant se moquer. "Je suis certaine que tu perdrais ta place si j'étais mannequin" dit-elle en plaisantant. Nicky n'avait jamais douté de son amie et elle n'avait surtout jamais voulu se lancer dans une carrière de mannequin. Ce monde n'était pas pour elle. La première raison, la plus simple, était que Nicky était incapable de sourire trop longtemps. Nicky croyait certes en son pouvoir de séduction, mais elle était loin d'avoir une confiance totale en elle. Pourtant, la façade qu'elle voulait montrer aux autres, montrait un tout autre visage. Une fille sûre, prête à écraser quiconque s'approcherait un peu trop prêt d'elle. "Je voulais te voir faire ta belle devant le photographe." Et puis, elle avait quelque chose à lui dire, mais comment lui apprendre qu'Andréa était de retour après tout ce temps. Alors qu'elle avait finalement passé outre ses sentiments et tout le malheur qu'il a pu causer. Elle lui sourit et passa un bras autour de sa taille pour l'entraîner vers la loge. "T'auras le droit de garder les chaussures ?" C'était un avantage de vivre avec une mannequin, certes Nicky n'avait pas de problème d'argent, mais elle n'était pas assez folle pour dépenser un salaire dans une robe. Sa meilleure amie avait accès à quelques belles garde-robes et Nicolaà adorait faire son shopping dans le dressing de sa colocataire. Tout en plaisantant, Nicky gagnait du temps pour trouver la bonne façon de lui dire les choses.

Marchant aux côtés de la belle brune, Ann-Juliet se gratta distraitement le cou, prenant garde à ne pas toucher à sa coiffure qui avait nécessité des heures de préparation. Elle se laissa aller à un petit rire en entendant la réponse de la belle Nicky, n'ayant pas besoin de la détailler pour savoir qu'elle avait tout à fait raison concernant le fait qu'elle pouvait justifier d'une carrière dans le mannequinat. Son corps était svelte et ferme, musclé juste ce qu'il fallait, et son visage expressif ferait sans aucun doute le bonheur des photographes avec qui elle travaillerait. Mais voilà, à l'instar de sa meilleure amie, la jeune Hillingsbrook avait choisi une carrière sportive, et Ann-Juliet ne l'imaginait nulle part ailleurs à présent qu'en train de se défoncer pour gagner sur un tatami.

Elle adressa un large sourire à la belle brune, marchant toujours à ses côtés vers la loge qu'elle partageait avec les autres filles, et dans laquelle on les avait préparées.

« -Tu es arrivée un peu tôt alors, je ne passe pas tout de suite. Mais ça nous laissera le temps de discuter comme ça ! »

Leurs emplois du temps respectifs ne leur laissait pas toujours la part que Jules aurait voulu aux bavardages nocturnes, aux sorties éventuelles ensemble, aux papotages. Parfois, elles ne faisaient que se croiser dans ce grand appartement qu'elles partageaient, d'autres fois, elles étaient toutes deux trop épuisées pour se lancer dans une longue discussion à cœur ouvert, ou bien elles se trouvaient carrément sur deux continents totalement différents. Mais leur amitié était loin d'en prendre un coup. Chaque fois qu'elles en avaient l'occasion, et heureusement, c'était encore souvent le cas, elles s'amusaient encore en partageant une soirée, une anecdote, un repas, même si elles n'avaient pas vraiment le même groupe d'amis, ou les mêmes occupations.  Et depuis quelques temps déjà, Ann-Juliet était persuadée que quoi qu'il puisse leur arriver, peut importe ce qui se dresserait sur leur chemin, elles parviendraient toujours à s'en sortir, parce qu'elles pouvaient compter l'une sur l'autre, quoi qu'il se passe dans leurs vies respectives.

Alors que la loge n'était plus qu'à quelques pas d'elles, Ann-Juliet se tourna de trois quart vers Nicolàa, esquissant un fin sourire à la question de la jeune femme. L'un des avantages du métier qu'elle exerçait résidait dans le fait qu'on lui laissait souvent prendre une robe, une paire de chaussures, un accessoire, pour son plus grand plaisir. Et celui de Nicky, qui venait fréquemment jeter des coups d’œil intéressés dans son dressing, lorsqu'elle avait une soirée de prévue. Ça n'avait jamais vraiment dérangé Ann-Ju, qui prêtait volontiers à la jeune Hillingsbrook ce qui s'y trouvait, l'aidant même à chercher la perle rare qui la rendrait encore plus remarquable pour les heures à suivre.

« -Ces chaussures, ouais je pourrais. Mais attends de voir celles que je dois mettre pour le shoot, elles sont canons ! »

Elles ne tardèrent pas à entrer dans la loge, où Ann-Juliet se défit presque aussitôt des chaussures qu'elle portait pour marcher pieds nus, ce qu'elle préfèrait largement. Elle ne mit qu'une poignée de secondes à trouver les petites merveilles qu'elle devrait porter un peu plus tard, et les tendit, tout sourire à Nicky, pour lui montrer à quel point elles étaient jolies. Elles les balança un instant devant son nez, avant de les poser sur le sol devant elle, l'invitant à les essayer, un sourire flottant sur les lèvres. Puis la mannequin se dirigea vers une petite table attenante, où se trouvaient profusion de boissons et d'encas. Prenant deux gobelets vides, Jules entreprit d'en remplir un de jus de pomme, avant de tourner son regard vers le visage de Nicolàa qui se trouvait un peu plus loin.

« -Tu veux quelque chose à boire avant de me dire ce que t'es vraiment venue faire ici, et qui te tracasse autant ? »

Ann-Juliet haussa doucement un sourcil en fixant sa belle colocataire, lui adressant un sourire complice assez doux. Elle connaissait Nicky depuis le temps maintenant, et avait toujours été assez douée pour observer et comprendre ce que ressentaient les gens, même si, aussi paradoxal que cela puisse être, elle s'était plantée en beauté avec Andrea, qui n'avait jamais eu d'autre intention à son égard que de lui voler sa virginité, de la mener en bateau, et de la faire souffrir. Et autant dire qu'il avait parfaitement réussi son coup sur les trois tableaux. Elle attendit que sa meilleure amie lui dise ce qu'elle voulait boire, puis après l'avoir servie, elle lui tendit son gobelet, lui proposant de s'asseoir n'importe où dans la loge où elle le voulait. Ann-Juliet n'était pas du genre à presser les gens, et elle savait que lorsque ce serait le bon moment, lorsqu'elle le voudrait vraiment, Nicky lui balancerait sans attendre ce qu'elle avait sur le cœur.

[HJ : désolée, désolée, désolée pour l'attente !  ] 

Si Nicolaà se fichait pas mal de mentir ou de raconter des histoires fausses à n'importe qui, il n'en était pas de même avec sa meilleure amie. Le jour où elles se sont rapprochées, Nicky s'est promis de ne jamais lui mentir ou de lui cacher quoi que ce soit. La sportive aimait penser que malgré les différences entre elles, elles pourraient réussir à arranger quoi que ce soit. Sauf que leur amitié n'avait pas eu à pâtir de la présence d'Andrea et maintenant qu'il était de retour, Nicolaà craignait que tout change. Hillingsbrook suivit sa meilleure amie jusqu'au loge et tandis qu'elle observait les chaussures et qu'elle imaginait déjà quelle tenue la jeune femme pourrait assortir. ❝Montre-moi ces merveilles❞ dit la jeune femme en la voyant agiter devant ses yeux. Nicolaà laissa ses ballerines de côté pour sauter dans les talons hauts. Très hauts. Une chance qu'elles fassent la même pointure sans quoi, la sportive aurait été vraiment jalouse de son amie. Alors qu'elle marchait à travers la pièce, Nicky leva les yeux et fit comme si elle n'avait rien entendu des paroles de son amie. Evidemment qu'elle savait. Les deux filles se connaissaient tellement bien qu'Ann-Juliet ne pouvait pas faire autrement que savoir. ❝Je veux bien un jus de fuit s'il te plait ❞ dit-elle sans relever la deuxième partie de sa phrase. Elle vient chercher son verre auprès de son amie avant de la prendre dans ses bras. Une nouvelle fois, elle resta silencieuse, remerciant Jules intérieurement de ne jamais lui poser des questions. De ne jamais la presser pour qu'elle parle. Une fois installée dans un coin de la loge, sur un canapé confortable, elle se débarrassa des chaussures et remonta ses jambes vers elle.❝J'ai vu Andrea.❞ lâcha-t-elle simplement. Sans hésiter. Sans bégayer. En y repensant, Andrea n'a pas fait que des mauvaises choses dans sa vie puisqu'il a fait en sorte -bien qu'il ne soit pas vraiment au courant- que les deux jeunes femmes se rencontrent. ❝Il était au Griffin l'autre soir et quand je suis arrivée, il était déjà là. J'ai.. j'ai rien compris, il m'a parlé comme si, comme si c'était normal! ❞ Ann-Juliet était au courant de toute leur histoire et si Nicolaà parlait comme ça de son frère, elle savait que sa meilleure amie n'allait pas la juger. Les relations fraternelles que l'on pouvait voir dans les films ne sont absolument pas une réalité chez les Hillingsbrook. ❝Je savais même pas qu'il était de retour. Et qu'il ose venir ici, à Savannah, j'te jure que... ❞ C'était leur mère qui avait vendu la mèche sur sa présence en ville, mais elle n'avait pas jugé utile de prévenir sa fille du retour du premier Hillingsbrook. Elle se tut finalement en attendant la réaction de son amie.