Comme cela m'arrivais très souvent, je débarque comme une fleur à la piscine du Grayson Stadium. Avant c'était à NY, avec Naël, mon petit frère. J'avais eu un peu de mal à m'habituer à m'y rendre seule, mais je n'avais pas le choix pour le moment : Julian travaillait et je n'étais pas bien sûre que la natation ce soit le truc d'Heather. Alors, comme depuis ces dernières semaines, je débarque seule, mon sac sur l'épaule et mes cheveux relevés en queue de cheval. Je règle mon entrée et me rends aux vestiaires afin de me débarrasser de mes vêtements. J'enfilais mon maillot directement depuis la maison, question pratique...j'ai toujours eu un peu de mal avec le principe "je me fous à poil dans un lieu public, même si c'est dans une cabine verrouillée". Je replace le tout, joliment plié dans mon sac et quitte ma cabine, dans un bikini rayé blanc et rouge, avec un petit noeud entre les seins et deux sur les côtés, maintenant le bas du maillot, laisse mes affaires au vestiaire, avant de placer le bracelet avec la clé autour de mon poignet maigrichon. Je m'arrête quelques secondes sous la douche (j'ai horreur de ça, elle est toujours trop froide l'eau de la douche et puis ce n'est pas comme si je ne me douchais pas chez moi hein) et finit par rejoindre le bassin, impatiente de commencer mes longueurs. La natation était une de ces activités sportives qui me permettait de me défouler, de me détendre, de faire baisser un peu la pression (non pas que je sois particulièrement sous pression au quotidien, mais j'étais tellement agitée que j'en avais besoin, pour ne pas trop m'éparpiller). Alors que je longe le bassin pour poser ma serviette sur un des bancs, une voix masculine s'élève au-dessus des cris des enfants dans le bassin d'à côté. Je lève alors le nez, cherchant d'où ça pouvait provenir et surtout, à qui c'était adressé, et tombe alors nez à nez avec William, le fils de la maitresse de mon père (ça va vous suivez ?). Je me fige, surprise de le trouver là, avant de soupirer. Ce qui devait être un moment de détente ne le serait certainement pas s'il était ici. Je n'étais pas du genre à détester les gens, mais lui, j'avais vraiment beaucoup de mal (pour la simple et bonne raison que j'estimais que sa mère avait brisé ma famille). Je pose ma serviette, resserre un peu ma queue-de-cheval, avant de m'approcher légèrement de lui et de lui répondre, l'air de rien Il semblerait que oui... Assis là, au bord de la piscine, il ne donnait pas vraiment l'impression d'être un passionné de natation, ce qui me fait me questionner sur sa présence ici. Il ne me suivait pas tout de même ? Non il n'était pas fou à ce point ! Et puis quelle raison aurait-il de me suivre ? Aucune ! Rassurée par cette rapide et stupide réflexion, je le questionne directement, plus par courtoisie que par intérêt...bon ok. Avec un peu d'intérêt quand même, mais il ne faudrait pas le dire trop fort. Tu aime nager toi ?
 

C'était bien ma veine, tomber sur le fils de la maitresse de mon père, là, dans un des rares endroits que j'appréciais véritablement ici. Il ne manquait plus qu'il envahisse aussi le Coffee-O-Logy et j'étais fichue. Je n'étais pas la plus heureuse des femmes de devoir refaire ma vie ici et je n'avais que très peu d'endroits où je me sentais totalement bien, à ma place. Ce centre aquatique en faisait partie et trouver mon...je ne sais même pas comment le qualifier... William ici, me contrariait un peu. Malgré tout, je n'en montre rien, du moins j'essaie de ne pas trop le montrer. Ma mère m'a bien élevé après tout. Je tente donc de faire un semblant de conversation, le questionnant sur son apparente passion pour la nation, passion que je ne lui connaissais pas (en même temps, je ne sais pas grand-chose à son sujet et je m'en porte très bien). Est-ce que ça se voyait ? Hum...je hausse légèrement les sourcils en cherchant à comprendre la raison de sa surprise. Ne voulant pas "overanalyser", je réponds juste avec ironie

Ce n'est pas parce que tu barbote dans l'eau que tu aime nager ! Je m'accroupis ensuite, histoire de m'approcher un peu de lui, niveau bassin et rajoute Si ça se trouve, tu viens juste pour observer discrètement les jeunes femmes...digne de toi Matchman ! Avant de me relever en souriant. Depuis que je l'ai rencontré, je trouve qu'il a tout du matcho séducteur et je lui ai trouvé ce surnom parfait Matchman (Matcho man). Certes, il était musclé, j'avais pu le remarquer à travers ses vêtements, mais là, dans l'eau, je ne peux pas vraiment m'en rendre compte.
Heureusement (ou malheureusement) il sort du bassin et s'avance dangereusement vers moi, clamant qu'il fallait remédier au fait que je n'ai pas encore mis les pieds dans l'eau. Je fais un petit pas en arrière, alors qu'il tend les bras dans ma direction, surprise par cette initiative. Qu'avait-il l'intention de faire au juste ? Il se ravise, se tourne vers le bassin et saute dans l'eau. Mon regard traine quelques microsecondes (sisi je vous jure) sur son dos incroyablement musclé (je crois apercevoir des muscles que je n'ai jamais encore vus), avant que je sois éclaboussée. J'en prends plein la figure et perds mon sourire. J'étais là pour me baigner, certes, mais ce n'était jamais très agréable. Gamin ! Je peste, avant de sauter à mon tour à l'eau, bien décidée à me venger. Je nage à son niveau, attend patiemment qu'il remonte et à peine a-t-il émergé, je pose mes deux mains sur le haut de son crâne et appuie dessus de toutes mes forces, histoire de le couler.
 

Je ne suis pas de ces filles qui restent sur la touche, les yeux ronds, à observer les hommes en action, avec une admiration non feinte, non ce n'est vraiment pas moi. Gamine, je me bagarrais souvent plus que mon frère ou que Julian et je leur mettais de sacrée raclée. Bon j'en prenais aussi pas mal, mais j'aimais alors jouer la carte de la petite fille fragile. Je pouvais me le permettre alors, si ça pouvait servir. Donc quand William décide de m'éclabousser, je pars en guerre, sautant à l'eau à mon tour pour laver mon honneur. Bon, j'exagère sans doute un peu, mais c'est mon caractère. La compétition, montrer ce qu'on vaut, je ne vis que pour ça. C'était d'ailleurs quelque chose que je partageais avec mon père quand j'étais petite (et également une des raisons pour laquelle je lui en aie tant voulu de m'avoir abandonné, mais ça, c'est un autre sujet).

Je m'approche donc furtivement et lui saute dessus dans l'idée de le voir boire la tasse et perdre ce petit sourire suffisant qu'il arbore depuis le début de cette rencontre. Malheureusement, seulement une infime partie de son visage s'immerge après ma tentative et il me rit au nez, sans aucune retenue, me gratifiant de ce "Blondie" qui me rend dingue et me donne presque envie de redevenir rousse (oui parce que normalement, je suis une rouquine - à croire que peu importe ma couleur de cheveux, elle ne conviendra jamais). Je lui lance un regard noir et remarque pour la première fois, ses yeux d'un gris/bleu impressionnant et légèrement déroutant. Je perds d'ailleurs le file de ma pensée pour quelques secondes, avant de me ressaisir.

Je prends un air de défi et, sans prendre la peine de lui répondre, je prends mon élan et plonge juste en dessous de lui. Je le saisis par les jambes et l'entraine gentiment dans les profondeurs de la piscine. J'avais développé cette technique lors de mes nombreuses vacances en famille, dans ces endroits paradisiaques où mon père nous emmenait, sans doute par culpabilité de nous trahir tous. Je parvenais systématiquement à noyer mon père et quand on voit sa carrure comparée à la mienne, ça relève vraiment du miracle. Une fois que je touche le fond de la piscine, je donne une petite impulsion et remonte rapidement à la surface. Je reprends bruyamment mon souffle et attends patiemment la réapparition de William, prête à fanfaronner et à lui faire ravaler son air supérieur.

Une fois qu'il émerge, j'en rajoute une petite couche et lui envoie un peu d'eau au visage, de la paume de la main, avant de nager jusqu'au bord, histoire de reprendre mon souffle. Mine de rien, ça fatigue de se maintenir hors de l'eau ! Tu disais ? C'est mon tour de fanfaronner un peu et je ne me fais pas prier pour le faire, un sourire ravissant aux lèvres.
 

Et une victoire pour Blondie, heu une victoire pour moi. Ana la bagarreuse avait encore fait des ravages et ça me plaisait. Je n'étais pas vraiment du genre garçon manqué, mais j'aimais parfois avoir ce petit sentiment de supériorité sur mes comparses de sexe masculin. Mine de rien, mon gout de la gagne m'avait forcé à copiner avec celui qui m’insupportait le plus en ce moment. Sans même m'en rendre compte, je riais et m'amusais avec lui, je le laissais m'approcher et je baissais totalement ma garde. Accrochée au bord de la piscine, je le regarde s'approcher de moi, l'air détendu et étrangement agréable. Là, dans l'eau, il n'avait plus vraiment l'air d'être le casse-pied de service qu'il était à mes yeux. Il me félicite de ma petite victoire et me questionne sur la raison de ce succès Pas en cachette non...je suis une grande sportive, tout le monde le sait. Dis-je en souriant et en haussant légèrement les épaules, comme si c'était normal. Et voilà que je partageais des informations à mon sujet, sans même y être forcée. De mieux en mieux.
William se lance ensuite dans ce qui semble être au départ un compliment. Je l'écoute, sans me défaire de mon sourire et incline légèrement la tête sur la droite. Il pouvait donc être charmant . En voilà une surprise ! Tandis que je pense à baisser définitivement ma garde, il poursuit sur un chemin bien moins flatteur. Moi je faisais tout le temps la gueule ? N'importe quoi ! Voilà une autre preuve qu'il ne me connaissait pas du tout ! Il n'y avait personne de plus souriant et avenant que moi, tout le monde le disait ! Une légère grimace de mécontentement m'échappe, avant que je réponde, sur un ton un peu moins jovial que précédemment C'est hum...gentil ? Mais je te rassure je ne fais la gueule que quand je suis en compagnie de choses ou de personnes qui m'y poussent ! Un brin boudeuse, je prends mes appuis et me hisse à l'extérieur de l'eau avec aisance et m'installe sur le bord du bassin, plaçant mon regard au loin, histoire de signifier à ce grossier personnage que ce qu'il venait de dire me déplaisait au plus haut point J'ai toutes les raisons du monde de sourire et d'être heureuse ! Bon ce n'était pas totalement vrai, j'avais quand même quelques raisons d'aspirer à plus (le fait que je me retrouve coincée à Savannah, loin de mon quotidien new-yorkais et loin de mon frère par exemple), mais il fallait bien que William comprenne que je n'étais pas une chieuse incapable de sourire. J'agite ensuite ma main et mon énorme bague de fiançailles sous son nez et rajoute En voilà une tiens ! Comme tu dis, la vie est belle ! Je lui adresse un sourire légèrement forcé, histoire d'illustrer ma petite démonstration. En tant que jeune fiancée, j'étais forcément heureuse, ça coulait de source.
J'agite ensuite mes jambes fines dans l'eau afin de l'éclabousser et renchéris Et toi, t'es plutôt pas mal quand tu laisse tomber ton air suffisant et siiii agaçant ! Les mots étaient sortis presque malgré moi. Je venais d'admettre qu'il était pas mal...génial !
 

Comment ça désagréable ? Moi désagréable ? Mais n'importe quoi ! Si ? Vous trouvez ? Bon peut être un peu... Mais c'est contre ma volonté alors. J'avais déjà ma famille, aussi imparfaite était-elle et surtout, j'avais déjà un frère que j'aimais plus que tout et je n'en avais pas besoin d'un autre. Ma famille était tout pour moi et je n'aimais pas voir les choses changer. La seule personne que j'avais autorisée à y entrer fut mon Julian. On me surnommait parfois "Mommy bear", pour dire à quel point j'étais protectrice. William, je n'avais pas envie d'apprendre à le connaitre et je le faisais très clairement comprendre, voilà tout. Je n'étais pas du genre particulièrement méchante, mais j'avais un peu cette attitude de New-yorkaise, un peu hautaine (du moins en apparence) et qui ne s'attarde pas vraiment sur ce qui lui semble sans intérêt...il y a tellement de monde à NY, qu'il vaut mieux se concentrer sur l'essentiel. Ici, tout le monde semblait aimer tout le monde, tout savoir sur tout le monde, s'enquérir de la vie de tout le monde, bref, je pense que vous avez compris l'idée. Ce n'était pas une habitude pour moi. Et quand bien même je pouvais parfois trouver William un minimum sympathique, toutes les fibres de mon être me hurlaient de me méfier, me disaient qu'il serait une source de bazar sans nom dans ma vie, allez savoir pourquoi. Pour toutes ces raisons, je ne parvenais pas à être simplement moi-même, la Analeigh souriante, marrante, pétillante et surtout, surtout, sans prise de tête.

Comme pour le maintenir à distance, je suis exécrable, fanfaronnant sur mon bonheur et agissant comme une vraie petite peste. Malgré ma volonté d'être désagréable, un compliment à son sujet m'échappe, à croire que j'étais incapable d'être véritablement méchante sans raison.
Un vrai aimant à blondinette ? Vraiment ? Je hausse de nouveau les sourcils, choquée par ses propos. Pourquoi à chaque fois que je baissais un peu ma garde, il me prouvait que j'avais totalement raison de penser le pire à son sujet ? C'était tout de même incroyable. À croire qu'il s'amusait à me perturber. Je ne parvenais pas à me faire une opinion sur lui, ça me rendait dingue et ça semblait l'amuser. Perplexe, je m'apprête une fois de plus à le remettre à sa place, quand il se met à rire. Génial ! Il se payait encore ma tête. Il n'était pas suffisant . Pas convaincue ! Agaçant ? Oui, ça j'étais totalement convaincue.
Et voilà qu'il lui faisait la morale à présent. De mieux en mieux. Elle l'écoute avec attention, puis renchérit, sans vraiment y réfléchir Chui pas obligée de faire avec...je peux très bien... Partie dans mon délire, il me faut trouver une suite à présent ...t'ignorer ! Ou... On peut entendre les rouages de mon cerveau tourner à plein régime ...ne plus t'adresser la parole, ou...refuser de me pointer aux réunions de famille tiens ! Consciente de la stupidité de mes supers solutions, je rectifie un peu le tire J'ai pas dis que c'est ce que je ferais, mais j'ai d'autres solutions, je ne suis pas OBLIGÉE de m'y faire ! Ca, s'était bien moi, il fallait toujours que j'ai le dernier mot. Une vraie tête brulée.
 

C'était tout de même incroyable ça. J'étais exécrable, désagréable, capricieuse et lui, il ne s'emportait pas le moins du monde, se contentant de garder son calme et même, d'être gentil. Comment était-ce possible ? Était-ce un manque de caractère ? Non mais franchement, Julian lui, m'aurait déjà envoyé à la tête quelque chose comme "bon t'arrête un peu tes enfantillages ?", mais c'était sans doutes parce qu'il me connaissait bien et qu'il pouvait se permettre le luxe de me parler clairement . En même temps, il risquait aussi de vexer sa fiancée et pourtant, il l'aurait quand même fait. C'était donc que William n'avait pas de caractère, CQFD. En même temps, il n'avait pas l'air d'être de ces hommes qui se laissent marcher dessus par une petite chieuse de mauvaise humeur (oui, j'admets être une petite chieuse, totalement, pourquoi le nier ? ). Un peu perplexe quant à l'attitude à adopter face à lui, je tourne la tête vers lui et écoute sa courte tirade. Bon, il n'avait apparemment pas de caractère (ou était-ce qu'il était tout simplement gentil, et qu'il n'avait pas envie de rentrer dans mon jeu de gamine ? Impossible) mais il ne se prenait pas pour n'importe qui de toute évidence. Le meilleur type qui soit ? Vraiment ? Je lève légèrement les yeux au ciel en souriant. Quel être sensé pouvait sortir de telles choses ? Aucun ! Cependant, convaincue que ça ne servirait à rien, je ne relève pas cette partie de sa phrase et me contente de reporter mon attention sur lui et de le questionner sur cette nouvelle passion qui fait son apparition Ah parce que tu sais cuisiner toi ? Oui oui, je suis condescendante et très agaçante, je sais, mais je ne peux faire autrement. À croire que la simple présence de ce blondinet au corps de rêve (oups, je m'égare) enclenchait le mode "Biatch" en moi...effrayant. Le reste du temps, j'étais un amour de femme, vraiment, non je ne plaisante pas. Vous pouvez demander à mon entourage, il n'y a pas plus gentil que moi. Mais avec William, les choses étaient...différentes. Je me sentais un peu menacée par lui et pas uniquement au niveau de la famille...je ne sais pas trop. J'avais le pressentiment qu'il allait m'attirer des problèmes, alors je préférais le maintenir à l'écart, tout simplement.
Et voilà qu'il me questionne sur mon mariage maintenant. Bon, il n'était pas le seul à me la poser cette question. Notre couple à Julian et à moi intriguait pas mal de monde autour de nous et beaucoup avaient du mal à comprendre pourquoi nous tenions à nous marier. J'avais déjà ma réponse toute prête, mais, je ne sais pas...parler de ça avec William me déranger un peu. Malgré tout, je tente de répondre en détournant le regard (non mais franchement, on n'a pas idée de fixer une jeune fiancée de cette façon, avec un si beau regard, c'est indécent !)   Et bien Matchman, contrairement à toi, j'ai trouvé mon âme soeur. Personne ne me connais mieux que lui ne me connait. C'est mon amour d'enfance, certes, mais nous ne sommes plus des enfants à présent. J'ai trouvé ma moitié alors je ne vois pas pourquoi j'irais "faire d'autres expériences", quand j'ai déjà tout ce qu'il me faut... Étrangement, ce discours pourtant si bien rodé, sonne différemment, prononcé là, sous le regard insistant et plus que perturbant de William. J'ai 25 ans, pas 15...Je tente de rajouter, histoire de prouver que j'étais dans mon bon droit et que oui, il était tout à fait normal que j'épouse l'homme que j'aime. Il était certes, le seul que j'avais connu, mais je n'avais pas besoin d'aller voir ailleurs pour autant. Ce n'était pas mon genre. Un peu mal à l'aise à cause du flot de pensées un peu contradictoires qui se battent dans mon esprit, je darde mon regard dans le sien et lui retourne sa question piège Et toi alors ? 33 ans et toujours pas marié ? Aucune femme ne veut de toi ? Ou alors tu es trop bien pour ces demoiselles ! Oui, c'est surement ça ! Bon sang que je pouvais être mauvaise ! À peine ces mots ont-ils passé la barrière de mes lèvres que je les regrette déjà. Ce n'était pas moi. Le rouge me monte aux joues immédiatement et je détourne une nouvelle fois le regard, dérangée par mon attitude...c'était plus fort que moi.
 

Moi une comique ? Sans doute ! Il est vrai que j'ai pas mal d'humour, que je ne me prends pas vraiment au sérieux (du moins, tout dépend des situations dans lesquelles je peux me trouver), que j'ai un certain sens de la repartie qui peut en amuser certain...cependant, il me semble percevoir une petite pointe d'ironie dans le discours de mon cher nouveau frère (vous voyez que je suis sensible à ce genre de chose). Je fais un rapide scan dans mon esprit et me rappelle que ce charmant jeune homme (j'ai dit charmant ? Non je voulais dire exécrable, insupportable, tête à claques...comment ça, pas crédible ?! N'importe quoi !) était cuisinier. Stupide Ana, stupide ! En même temps, je ne passais pas non plus le plus clair de mon temps à penser à lui et à ce qu'il pouvait faire de ses journées, plus par choix que par réel désintérêt.
Moi, gouter ses plats ? Et puis quoi encore...je tiens à la vie hein ! Je m'empresse de répondre sur le ton de l'humour Y remédier ? Pas nécessaire ! Tu serais bien capable de mettre je ne sais quoi dans l'assiette pour me faire passer un sale quart d'heure ! Je laisse s'échapper un petit rire, histoire de lui notifier que je plaisantais bien et que non, je ne le pensais pas abominable au point de tenter de m'empoisonner.

S'ensuit ensuite ma grande tirade bien rodée, sur mon bonheur (sincère et réel, je suis folle de Julian) et malgré mon entrainement et ma pleine conviction, il ne semble pas en être de même pour le blondinet assis à mes côtés. Il était vrai que ma conception de la vie et du couple était un peu différente de celles de mes comparses. Je n'étais pas de celles qui aimaient flirter, embrasser et coucher à tout vas. Je ne voyais aucun intérêt dans ce genre de choses. Attention, loin de moi l'idée de juger ou quoi que ce soit, mais ce n'était juste pas mon truc. Mes amies à NY me disaient qu'elles avaient une sorte de sensation de pouvoir à parvenir à faire craquer les hommes. Moi, ma sensation de pouvoir et de bien-être, provenait du fait que j'avais réussi à avoir l'amour inconditionnel d'un homme merveilleux et aimant. Chacun trouve midi à sa porte après tout. Un peu dérangée par le ton un peu trop sérieux que prenait cette conversation, je me contente de lui répondre en haussant légèrement les épaules et en lui adressant un sourire énigmatique Qui te dit que je n'ai rien essayé d'autre ? Ce n'était pas le cas, bien sûr, mais je préférais semer un peu le doute dans son esprit. Je lui retourne ensuite la question. Pourquoi un homme de son âge, plutôt pas mal (oui oh ça va hein !) était encore célibataire. Avait-il un énorme défaut qui faisait fuir toutes les demoiselles ou se trouvait-il trop merveilleux pour elles. De toute évidence, la deuxième option était la bonne (bien que je reste persuadée qu'il a un énorme défaut caché, mais bon, passons). Mes lèvres s'entrouvrent de surprise et alors que je m'apprête à prendre la mouche, comme à mon habitude, pour le remettre à sa place, il se met à rire. Bon sang, n'y avait-il rien de sérieux chez cet homme ? Et puis, comment parvenait-il à me mener par le bout du nez comme ça, m'amenant à penser ce qu'il voulait que je pense et en brisant ensuite toutes mes pensées préconçues à son sujet ? Ça ne me plaisait vraiment pas ! Je soupire en détournant le regard, préférant encore voir les gens se débattre dans l'eau que de voir son sourire satisfait de c'être encore fichu de moi.
Attendez. Quoi ?! Ai-je bien entendu ? Moi, craquer pour lui ? C'était la meilleure! Je replante rapidement mon regard sur lui, afin de voir s'il se fichait encore de moi ou s'il plaisantait. Encore une fois, je suis incapable de le savoir. Je pouffe bruyamment avant de rétorquer Non mais tu te prends vraiment pas pour n'importe qui toi hein ! Toutes les femmes, même les mariées, délaissent leurs partenaires pour te choisir toi, tellement tu es merveilleux, c'est ça ? Pffff Mariée, j'ai bien dit mariée ? Oh, mariée et fiancée ça revenait au même non ? D'ici quelques mois, je serais mariée alors bon. Histoire de lui rafraichir un peu les idées, je place mes deux mains sur lui et le pousse à l'eau, largement aidée par le bord glissant du bassin.